• Entente sur les tiers pays sûrs •

Entente sur les tiers pays sûrs

03 décembre 2019

Le terme « tiers pays sûrs » a été utilisé régulièrement dans les médias durant la dernière année. Nous tenterons de démystifier sa définition et les impacts au sein des pays qui adoptent ce type d’accord.

Qui cela concerne-t-il?

Une entente sur les tiers pays sûrs régit les règles qui entourent les migrations d’urgence. On parle ici des demandes d’asile. L’encyclopédie Canadienne définit un demandeur d’asile comme suit : « personne qui fuit son pays en quête de sécurité et de protection et qui demande le statut de réfugié dans son pays d’arrivée ». En conséquent, l’accord des tiers pays sûrs oblige le demandeur d’asile à effectuer la demande du statut de réfugié au sein du premier pays dit sûr qu’il rencontre.

Selon les Nations Unies, fuir son pays dans le but de retrouver la sécurité est un droit de la personne, et ce, à l’échelle mondiale. Ainsi, le demandeur ne peut pas être déporté dans un pays où sa sécurité serait mise en péril.

L’exemple du Canada et des États-Unis

L’entente des tiers pays sûrs conclue entre le Canada et les États-Unis date du 29 décembre 2004. Cet accord sous-entend que le demandeur d’asile, peu importe sa provenance, doit faire sa demande au sein du premier pays dit « sûr » sur lequel il pose les pieds. Par exemple, un demandeur d’asile en provenance du Mexique, par voie terrestre, devra nécessairement faire sa demande aux États-Unis.

Sécurité : mythe ou réalité?

Cependant, en juin 2018, le Conseil Canadien pour les réfugiés a sorti une étude qui démontre le piètre niveau de sécurité aux États-Unis en ce qui concerne les réfugiés. En effet, plusieurs mesures prises récemment par le président Donald Trump ont été jugées non conformes au respect des droits humains. Cette nouvelle approche du gouvernement étatsunien a eu un impact direct sur les passages irréguliers à la frontière canadienne.  

Les limites de l’entente

Cependant, l’entente régularise les demandes d’asile officielles. C’est-à-dire, qu’elle concerne exclusivement les migrants qui se présentent au poste frontalier. Or, si les migrants entrent de manière irrégulière au pays, sans passer par un poste frontalier autorisé, ils peuvent faire leur demande d’asile directement au Canada. Ils contournent ainsi l’entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs. De ce fait, on observe une augmentation drastique des migrations irrégulières. D’après Radio-Canada, « Au cours des deux dernières années, quelque 45 000 migrants ont réussi à demander l’asile en arrivant au Canada de façon irrégulière, entre deux postes frontaliers officiels, comme au chemin Roxham, en Montérégie. »

Cette situation soulève plusieurs questionnements quant à la gestion qui entoure les demandes d’asile. De plus, la légitimité elle-même de l’entente entre les deux pays du Nord est remise en question.

L’exemple des États-Unis et du Guatemala

En second lieu, un accord pour le moins controversé a été signé entre l’une des premières puissances mondiales, les États-Unis et le Guatemala, pays en développement d’Amérique centrale. Signée en juillet dernier, l’entente est entrée en vigueur en novembre 2019. L’entente permet aux États-Unis de déporter au Guatemala tout demandeur d’asile qui est en provenance d’un pays au Sud de la frontière mexicaine. En effet, cet accord rend illégitime toute demande faite aux États-Unis, si le demandeur est physiquement passé par le Guatemala auparavant. Dans le cas où il aurait fait une demande au Guatemala et qu’elle aurait été refusée, le demandeur pourrait donc tenter sa chance aux États-Unis. Évidemment, ces procédures sont très lentes et complexes.

Selon le journal Foreign Affairs, cet accord est un énorme fardeau pour le pays d’Amérique centrale. En effet, le pays ne possède pas les structures et les ressources nécessaires pour gérer des dizaines de milliers de migrants supplémentaires. L’accord ne fera qu’engorger davantage le système de migration au Guatemala en plus d’affecter son économie précaire.

Le Guatemala; outillé pour gérer cette réalité?

Qui plus est, le Guatemala fait partie de la région appelée le « Triangle du nord » avec le Honduras et le Salvador. Ces pays ont connu des guerres civiles durant les dernières décennies et bien que la stabilité et la paix soient de retour, les conséquences de ces années difficiles perdurent. En 2018, plus de 50% des 140 000 migrants arrivés à la frontière des États-Unis et du Mexique provenant du Triangle du nord étaient Guatémaltèques. En juin 2019, le nombre de migrants provenant de ces trois pays d’Amérique centrale était déjà à 363 000.

Actuellement, plus de 60% de la population du Guatemala vit sous le seuil de la pauvreté. Selon plusieurs experts, il serait contre les droits humains de retourner les demandeurs d’asile au Guatemala. Ils considèrent que le pays est dans l’incapacité d’assurer un niveau de sécurité assez élevé.

Une entente rare

Mis à part les deux cas explorés plus haut, seulement l’Europe possède ce genre d’accord avec la Turquie. Ainsi, les migrants qui arrivent en Grèce peuvent être déportés en Turquie.

De plus, le président des États-Unis est en pourparlers avec le Salvador et le Honduras pour instaurer ce type d’engagement. Selon Donald Trump, les États-Unis sont déjà « pleins » et n’ont plus la capacité d’accueillir des immigrants. L’accord s’inscrit donc dans son agenda pour tenter de contrer l’immigration sur son territoire.

Quel avenir pour les migrants?

C’est donc officiellement le 21 novembre 2019 que les autorités frontalières étatsuniennes de El Paso, au Texas, ont utilisé cette nouvelle norme pour la première fois. En effet, un homme hondurien a été retourné au Guatemala, en avion. Les oppositions sont nombreuses face à ce processus. Les organisations de défenses des droits humains et des droits des migrants continuent de démontrer que le Guatemala n’a pas les ressources nécessaires pour gérer cet afflux de personnes en quête de meilleures conditions de vie. 

Donald Trump en est à la dernière année de son premier mandat en tant que président des États-Unis. De son côté, le Guatemala vient tout juste d’élire un nouveau président, Alejandro Giammatei. En juin 2019, c’est Jimmy Morales, le président sortant, qui avait signé l’accord sur les tiers pays sûrs. Alejandro Giammatei entre officiellement en poste en janvier 2020. Les prochains mois détermineront donc comment cette entente se développera.

close fleche menu